10.
Feu

 

« Si une femme partage la couche d’un sorcier de l’une des Sept Maisons, elle n’enfantera point sauf si lui le souhaite. Si un homme partage la couche d’une sorcière de l’une des Sept Maisons, elle n’enfantera point. »

 

Us et coutumes des sorcières,

Gunnar Thorvildsen, 1740

 

 

CE SOIR, J’AI ENVOYÉ UN MESSAGE. RÊVERAS-TU DE MOI ? VIENDRAS-TU À MOI ?

 

 

* * *

 

 

— Il paraît que ce film est génial. Tu ne veux pas venir ? Bakker sera là, a annoncé Mary K.

Elle est sortie de la salle de bains qui reliait nos deux chambres en enfilant son chemisier. Elle a virevolté devant ma psyché pour s’inspecter sous tous les angles, puis a adressé un grand sourire à son reflet, satisfaite.

— Je ne peux pas, ai-je répondu en me demandant pourquoi, à l’évidence, ma sœur de quatorze ans avait hérité de sa part de poitrine mais aussi de la mienne. J’ai une soirée de prévue. Où est-ce que vous vous retrouvez ?

— Devant le cinéma. C’est la mère de Jaycee qui nous conduit. Tu l’aimes bien, Bakker ? Il est dans ta classe.

— Je n’ai rien contre lui. Il a l’air sympa. Et il est mignon, en plus. J’ai entendu dire qu’il craquait vraiment pour toi. Il n’est pas trop… insistant ?

— Non, m’a-t-elle rassurée. Il est adorable.

En me voyant en sous-vêtements devant mon armoire grande ouverte, elle m’a interrogée :

— Elle se passe où, ta soirée ? Et comment tu vas t’habiller ?

— Première réponse : chez Cal Blaire, deuxième réponse : aucune idée.

— Cal Blaire, le nouveau en terminale ? a-t-elle répété en venant fouiller dans mes affaires. Il est trop beau ! Toutes mes copines veulent sortir avec lui. La vache, Morgan, tes fringues sont à pleurer.

— Merci du compliment, ai-je répliqué dans un éclat de rire.

— Tiens, ça, c’est cool, a-t-elle poursuivi en me tendant un tee-shirt. Tu ne le portes jamais.

C’était un top vert olive foncé taillé dans un tissu fin et extensible que mon autre tante, Margaret, m’avait offert. Margaret est la sœur aînée de ma mère. Je l’adore, malheureusement, Eileen et elle ne se parlent plus depuis des années, depuis qu’Eileen a fait son coming out. Du coup, j’aurais eu l’impression de trahir Eileen en portant le cadeau de Margaret. C’est sans doute disproportionné, je sais.

— Je déteste cette couleur, ai-je protesté.

— Mais non, a insisté Mary K. Elle va parfaitement avec tes yeux. Mets ça. Avec ton legging noir.

J’ai enfilé tant bien que mal le haut moulant. Au rez-de-chaussée, la sonnette a retenti et la voix de Bree a résonné dans l’entrée.

— Je ne peux pas porter ça, me suis-je indignée, voyant que le tee-shirt me descendait à peine jusqu’à la taille. C’est trop court. On va voir mes fesses.

— Tant mieux, a rétorqué ma sœur. Elles sont parfaites, tes fesses.

— Hein ? a fait Bree en entrant dans ma chambre. J’ai tout entendu ! Mary K. a raison, il est chouette, ce tee-shirt. Allons-y !

Bree était sublime, une vraie topaze lumineuse. Sa coiffure – effet ébouriffé parfaitement maîtrisé – faisait ressortir ses yeux superbes. Elle avait souligné sa large bouche d’une touche de rouge à lèvres ocre et tremblait presque tant elle bouillonnait d’énergie. Elle portait un bustier marron qui accentuait son décolleté et un pantalon taille basse serré par un cordon. Entre les deux, on voyait huit bons centimètres de ventre plat. Autour de son nombril parfait, elle avait collé un tatouage temporaire en forme de rayons de soleil.

À côté d’elle, je me sentais vraiment quelconque.

Mary K. m’a lancé le legging, que j’ai enfilé sans plus me soucier de mon apparence. J’ai mis une chemise à carreaux de mon père pour cacher mes fesses, puis je me suis brossé les cheveux pendant que Bree tapait du pied d’un air impatient.

— On peut prendre Breezy, a-t-elle suggéré. Elle est réparée.

Quelques minutes plus tard, j’étais assise dans un fauteuil en cuir chauffant tandis que Bree démarrait en trombe.

— Tu dois être rentrée à quelle heure ? m’a-t-elle demandé. La soirée risque de finir tard.

Il était à peine neuf heures.

— Mon couvre-feu est à une heure, ai-je répondu. Mais mes parents seront couchés ; si je suis un peu en retard, ils n’en sauront rien. Sinon, je pourrai toujours les appeler.

Bree, elle, n’avait jamais besoin de prévenir son père de quoi que ce soit. Parfois, ils me faisaient davantage penser à des colocataires qu’à un père et sa fille.

— Cool.

Bree a fait cliqueter ses ongles vernis en marron sur le volant avant de tourner un peu trop vite. Elle a quitté Gallows Road pour s’engager dans le quartier le plus ancien de Widow’s Vale. Là où résidait Cal. Elle connaissait déjà le chemin.

 

* * *

 

La maison de Cal, une construction immense en pierre, était impressionnante. À l’avant, la galerie soutenait un balcon qui courait tout autour du premier étage. Du lierre à feuilles persistantes serpentait autour des colonnes jusqu’en haut de la façade. Le jardin, luxuriant, magnifiquement paysagé, frôlait l’extravagance. J’ai repensé à mon père, qui, tous les automnes, taillait ses rhododendrons en fredonnant et je me suis presque sentie triste.

La grande porte en bois s’est ouverte dès qu’on a frappé. Une femme se dressait devant nous, drapée dans une longue robe en lin d’un bleu indigo qui rappelait un ciel de nuit. Le vêtement était simple, élégant, et avait sans doute coûté une fortune.

— Bienvenue, les filles, a-t-elle déclaré en souriant. Je suis la mère de Cal, Selene Belltower.

Sa voix mélodieuse possédait un timbre puissant. En m’approchant, je me suis rendu compte que Cal lui ressemblait beaucoup. Ses cheveux châtain foncé étaient négligemment coiffés en arrière pour dégager son visage. Ses yeux, immenses et dorés comme ceux de son fils, surplombaient des pommettes saillantes. Sa bouche était bien dessinée et sa peau, lisse, sans la moindre ride. Je me suis demandé si elle avait été mannequin, dans sa jeunesse.

— Laissez-moi deviner… Toi, tu dois être Bree, a-t-elle poursuivi en prenant la main de ma meilleure amie. Et toi, Morgan.

Lorsque son regard clair a croisé le mien, j’ai cru qu’il me perforait la tête. Je me suis frotté le front en clignant des yeux. Je commençais à me sentir très mal. Lorsqu’elle a souri de nouveau, la douleur s’est estompée. Elle nous a invitées à entrer.

— Je suis vraiment contente que Cal se soit fait de nouveaux amis. Le déménagement a été pénible pour nous deux… Ma société m’avait offert une promotion que je ne pouvais pas refuser.

Je me suis retenue de l’interroger sur son métier, et sur le père de Cal, pour ne pas me montrer indiscrète.

— Cal est dans sa chambre. Au deuxième, tout en haut des marches, a-t-elle ajouté en nous désignant un escalier vertigineux, en bois sombre sculpté. Certains sont déjà arrivés.

— Merci, avons-nous soufflé en chœur, un peu gênées.

Un épais tapis fleuri étouffait nos pas tandis que nous montions les marches.

— Ça ne la dérange pas que des filles se retrouvent dans la chambre de son fils ? ai-je murmuré en repensant à ma mère, qui chassait systématiquement les garçons de celle de Mary K.

Bree m’a souri, les yeux pétillants.

— Elle est cool, c’est tout. En plus, on est nombreux.

La chambre de Cal occupait tous les combles de la maison. La pièce était immense, de la façade avant à la façade arrière, d’un flanc à l’autre du bâtiment. Il y avait des lucarnes partout : des carrées, des rondes, certaines dotées d’un vitrage normal, d’autres d’une vitre teintée. Un parquet sombre en bois brut couvrait le sol, et les murs étaient lambrissés. Un bureau ancien où traînaient des livres de cours occupait une alcôve.

Nous avons posé nos manteaux sur un long banc de bois. Imitant Bree, je me suis déchaussée.

Une petite cheminée en état de marche trônait d’un côté. Son manteau tout simple disparaissait sous une tonne de bougies couleur crème de toutes les tailles. De grosses chandelles cylindriques étaient disposées le long des murs, certaines sur des bougeoirs en fer forgé, d’autres à même le sol ou sur des briques de verre, d’autres encore étaient carrément disposées sur des piles de livres anciens. Il n’y avait pour seul éclairage que cette multitude de petites flammes ; les belles ombres ondulantes qu’elles projetaient sur les murs étaient presque hypnotiques.

Le lit de Cal, niché dans un recoin, a aussitôt attiré mon attention. J’en suis restée figée sur place, incapable de détourner les yeux. C’était un grand lit assez bas, au cadre en acajou, ou peut-être en ébène, surplombé par quatre petites colonnes. Un futon faisait office de matelas. Les draps unis, taillés dans du lin couleur crème, n’étaient pas bordés, comme si Cal venait tout juste de se lever. Des cierges brûlaient joyeusement de chaque côté, sur des tables de nuit.

Tout au fond de la pièce, à l’arrière de la maison, le reste du groupe s’était rassemblé dans l’ombre. Dès qu’il nous a vues, Cal s’est approché de nous.

— Salut, Morgan. Merci d’être venue, m’a-t-il accueillie d’un ton intime, plein d’assurance. Salut, Bree, content de te revoir ici.

Bree était donc déjà entrée dans sa chambre.

— Merci à toi de m’avoir invitée, ai-je répondu, un peu tendue, avant de resserrer ma chemise autour de moi.

Un sourire sur les lèvres, Cal nous a pris la main pour nous conduire vers les autres. Robbie nous a saluées d’un geste. Il buvait du jus de raisin noir dans un verre à vin. Beth Nielson, qui se tenait près de lui, venait de se faire décolorer les cheveux. Du coup, cela faisait ressortir sa peau café au lait et ses yeux verts. Elle avait l’habitude de teindre sa coupe afro au gré de ses humeurs. Je me disais parfois qu’elle ressemblait à une lionne, et Raven à une panthère. L’une à côté de l’autre, elles composaient un sacré tableau.

— Joyeux esbat ! a lancé Robbie, le verre levé.

— Joyeux esbat ! a répondu Bree.

J’avais appris dans mes livres qu’un esbat désignait simplement une réunion informelle où l’on pratiquait la magye.

Matt était installé sur un canapé bas, Jenna blottie contre lui. Ils discutaient avec Sharon, elle-même assise par terre, le dos raide, les bras autour des genoux. Sharon était jolie et, avec sa silhouette d’adulte, elle faisait plus que son âge. Était-elle venue pour les beaux yeux de Cal, ou bien la Wicca avait-elle réussi à la toucher ? Je m’étais toujours dit qu’elle devait avoir la belle vie : être fille d’orthodontiste, ça devait simplifier bien des choses…

— Tenez.

Cal nous tendait, à Bree et à moi, un verre à vin rempli de jus de raisin. J’en ai bu une gorgée.

Un courant d’air parfumé au patchouli a traversé la pièce : Raven venait d’arriver, suivie d’Ethan. Ce soir-là, elle ressemblait à une prostituée SM. Elle portait autour du cou un collier de chien clouté relié par des lanières à un corset de cuir noir. À voir ses jambes, on aurait pu croire que quelqu’un l’avait plongée dans une cuve de Lycra noir avant de la laisser sécher. À New York, elle serait passée inaperçue, mais ici, à Widow’s Vale, j’aurais payé pour la voir débouler au supermarché. Est-ce que Cal la trouvait sexy ?

Ethan était fidèle à lui-même : débraillé et défoncé. Ses cheveux longs, agglutinés en boucles emmêlées, lui tombaient sur les épaules. Lors du premier cercle, je n’avais pas été étonnée qu’on soit si nombreux à tenter l’expérience – au lycée, on est toujours prêts à tester n’importe quoi au moins une fois. En revanche, il était intéressant de constater que tous, sauf Todd, Alessandra et Suzanne, étaient revenus. Du coup, je les regardais avec plus d’attention, comme si je les voyais pour la première fois.

Même si, au lycée, on s’était retrouvés à plusieurs reprises dans un groupe « multi-cliques », là, on a repris nos anciennes habitudes : Robbie et moi d’un côté ; Jenna, Matt et Sharon de l’autre ; Bree qui allait et venait entre nous et eux ; puis Beth, Raven et Ethan rassemblés près des boissons.

— Bien, je pense que tout le monde est là, a déclaré Cal. La semaine dernière, on a célébré Mabon et accompli un cercle de bannissement. Cette semaine, le cercle sera informel, pour faire davantage connaissance. Alors allons-y.

À l’aide d’une craie blanche, il a tracé au sol un grand cercle qui prenait presque toute cette aile du bâtiment. Jenna et Matt se sont levés pour repousser le canapé. Sur le plancher, des traces de cercles plus anciens. Cal m’a épatée : alors qu’il dessinait à main levée, le résultat était presque parfait, aussi rond et symétrique que la fois précédente, dans le bois, lorsqu’il s’était servi d’un simple bâton pour creuser la terre.

— On peut créer ce cercle avec n’importe quoi, a-t-il expliqué d’un ton détaché. Une corde, un alignement d’objets, comme des coquillages ou des cartes de tarot, ou même des fleurs. Ce cercle marque la limite de notre énergie magyque.

Comme la semaine passée, nous sommes tous entrés dans le cercle avant que Cal le ferme. Que se passerait-il si l’un d’entre nous en sortait ?

Ensuite, il a pris un petit bol en cuivre rempli de poudre blanche. L’espace d’une seconde, j’ai paniqué, craignant qu’il ne s’agisse de cocaïne ou de je ne sais quoi. Mais il s’est contenté d’en prendre une pincée et d’en saupoudrer le sol.

— Avec ce sel, je purifie notre cercle, a-t-il annoncé.

Ce qui m’a rappelé qu’il l’avait déjà fait la fois dernière.

— Je place cette coupe au nord, pour symboliser l’un des quatre éléments : la terre. La terre est féminine et nourricière.

Ces derniers jours, en procédant à quelques recherches sur le Net, j’avais découvert que, comme dans toutes les religions, la Wicca regroupait différents courants. Celui que suivait Cal générait des milliers de sites.

Ensuite, Cal a posé un bol identique à l’est du cercle. Celui-là, plein de sable, accueillait un bâtonnet d’encens.

— L’encens représente l’air, un autre des quatre éléments, a poursuivi Cal, concentré et détendu. Il renvoie à l’esprit, à l’intellect. À la communication.

Au sud, il a déposé une grosse bougie couleur crème qui devait mesurer cinquante centimètres de hauteur.

— Cette bougie représente le feu, le troisième élément, a-t-il expliqué en me regardant droit dans les yeux. Il est associé à la transformation, au succès et à la passion. C’est un élément très puissant.

Gênée par son regard, j’ai dû baisser les yeux vers la flamme. Jolie flamme, brille mon âme, ai-je songé.

Puis, à l’ouest, il a placé un bol d’eau.

— L’eau est le dernier des quatre éléments. Elle se rapporte aux émotions. L’amour, la beauté et la guérison. À chaque élément correspondent trois signes astrologiques. Les Gémeaux, la Balance et le Verseau sont des signes d’air. Les signes d’eau sont le Cancer, le Scorpion et les Poissons. Le Taureau, la Vierge et le Capricorne sont des signes de terre. Et enfin, le Bélier, le Lion et le Sagittaire sont des signes de feu, a-t-il conclu en me scrutant de nouveau.

Avait-il deviné que j’étais d’un signe du feu – le Sagittaire ?

— Maintenant, donnons-nous la main.

J’ai pris les mains de Robbie et de Matt, les plus proches de moi. Si la poigne de Robbie était chaude et rassurante, je trouvais bizarre de tenir celle de Matt, douce et fraîche. En repensant au contact velouté des doigts de Cal, j’ai regretté de ne pas m’être mise à côté de lui. Cette fois-ci, il se trouvait pris en sandwich entre Bree et Raven. J’ai soupiré.

— Fermons les yeux et concentrons-nous, a-t-il commandé, tête basse. Inspirez et expirez doucement en comptant jusqu’à quatre. Laissez votre esprit au repos et vos soucis disparaître. Il n’y a plus ni passé ni avenir, juste le présent et nous dix réunis ici.

Sa voix était égale, posée. J’ai incliné la tête et fermé les yeux avant de respirer lentement, en ne pensant qu’aux flammes des bougies et à l’encens. C’était très relaxant. D’un côté, j’avais conscience de la présence des autres dans la pièce, de leur souffle silencieux, de leurs piétinements occasionnels, mais, de l’autre, je me sentais très pure, très loin d’eux, comme si je flottais au-dessus du cercle, comme si je l’observais d’en haut.

— Ce soir, nous allons accomplir un rituel de purification et de concentration. Samhain, notre nouvel an, approche à grands pas, et la plupart des sorciers et des sorcières accomplissent un travail spirituel pour s’y préparer.

De nouveau, nous avons fait une ronde, sans nous lâcher les mains. Cette fois-ci, nous avons tourné lentement, dans le sens des aiguilles d’une montre.

J’appréhendais la fin du rituel. La dernière fois, j’avais cru qu’on me fracassait la poitrine à coups de hache, puis la nausée ne m’avait pas quittée pendant deux jours. Est-ce que ça allait recommencer ? Peu importait, je voulais aller jusqu’au bout. C’est alors que Cal a entonné le chant :

 

Eau, lave-nous,

Air, purifie-nous.

Feu, fais de nous des êtres entiers et purs.

Terre, recentre-nous.

 

Nous avons commencé à répéter les paroles. Pendant quelques minutes, ou peut-être plus, nous avons tourné en rond en psalmodiant. Dans le cercle, mes camarades commençaient visiblement à se détendre, à se sentir le cœur léger et heureux. Même Ethan et Raven paraissaient plus insouciants, plus jeunes et moins sombres. Bree observait Cal. Robbie avait les yeux clos.

La ronde s’est accélérée, le chant a gagné en force. C’est alors que j’ai pris conscience d’une énergie palpable qui s’accumulait autour de moi, dans le cercle. J’ai levé la tête, ébahie. En face de moi, Cal a croisé mon regard et m’a souri. Les yeux fermés, Raven chantait et tournait en rythme avec tout le monde, pour une fois. Les autres avaient l’air concentrés sans pour autant être inquiets.

Moi, je suffoquais presque. On aurait dit qu’une énorme bulle molle se pressait contre moi, de tous côtés. J’avais l’impression que mes cheveux avaient pris vie – ils crépitaient d’énergie. En regardant de nouveau Cal, j’ai eu le souffle coupé : je discernais une aura qui luisait faiblement autour de sa tête, une ligne floue de lumière rouge pâle qui chatoyait à la lumière des chandelles.

J’étais stupéfaite. Un coup d’œil vers les autres m’a appris que tous en possédaient une. Celle de Jenna était argentée, celle de Matt, verte, celle de Raven, orange, et Robbie était auréolé de blanc. La lumière qu’émettait Bree s’approchait de l’orange clair, celle de Beth du noir, tandis que celle d’Ethan était marron et celle de Sharon, rose, assortie à ses joues. Avais-je une aura, moi aussi ? De quelle couleur ? Que signifiait-elle ? Émerveillée, ravie, je contemplais cet arc-en-ciel sans comprendre.

Comme la première fois, le cercle s’est arrêté brutalement en réponse à un signal inaudible et nous avons tous levé les mains en l’air, bras tendus vers le toit. Mon cœur palpitait, mon cerveau aussi, mais je ne me suis pas effondrée, je n’ai pas perdu l’équilibre. J’ai juste grimacé un peu en me frottant les tempes et en espérant que personne ne le remarquerait.

— Retournez cette énergie purificatrice en vous-mêmes ! a ordonné Cal en se frappant le poing sur la poitrine.

Nous l’avons tous imité. Aussitôt, j’ai senti une vague de chaleur déferler en moi et s’attarder au niveau de mon abdomen. J’étais calme, apaisée et attentive. Puis le tournis m’a saisie, ainsi qu’une horrible envie de vomir. Oh, c’est pas vrai ! me suis-je dit.

Cal a traversé le cercle d’un bond pour se placer face à moi. J’avais du mal à déglutir. Les yeux écarquillés, j’ai prié pour ne pas dégobiller devant tout le monde. Je voulais juste pleurer dans mon coin.

— Assieds-toi, m’a conseillé Cal en m’appuyant sur les épaules. Assieds-toi tout de suite.

Je me suis laissée choir sur le plancher – j’avais des haut-le-cœur et je me sentais hyper mal.

— Qu’est-ce qu’elle a encore ? a soupiré Raven, mais personne ne lui a répondu.

— Penche-toi, a ajouté Cal une main plaquée sur mon dos. Pose ton front sur le sol.

Courbée, les mains à plat sur le parquet, j’ai suivi son conseil. Je me suis aussitôt sentie mieux. Dès que mon front a touché le bois frais, les vagues de nausée ont cessé et j’ai arrêté de hoqueter.

— Ça va ? s’est enquise Bree, qui s’était agenouillée près de moi pour me frotter le dos.

Cal a chassé sa main.

— Attends. Attends qu’elle ait entièrement libéré l’énergie.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? s’est inquiétée Jenna.

— Elle a canalisé trop d’énergie, a expliqué Cal en laissant sa main sur ma nuque. Comme lors de Mabon. Elle est vraiment très sensible : un vrai canal énergétique.

Au bout d’une minute environ, il m’a demandé :

— Ça va mieux ?

— Oui, ai-je soufflé en relevant doucement la tête.

J’ai regardé autour de moi, vulnérable et honteuse. Mais, physiquement, j’allais bien. Finis la nausée et le tournis.

— Veux-tu nous raconter ce qui s’est passé ? a voulu savoir Cal. Ce que tu as vu ?

L’idée de décrire les auras de tout le monde était bien trop embarrassante, trop personnelle. De plus, ils avaient dû les voir eux aussi, non ? Je n’en étais pas certaine.

— Non, ai-je finalement répondu.

— Comme tu veux, a-t-il lâché avant de se relever et de sourire. C’était super, bravo à tous. Et merci. Maintenant, allons nous baigner !

L'éveil
titlepage.xhtml
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_027.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_028.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_029.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_030.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_031.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_032.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_033.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_034.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_035.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_036.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_037.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_038.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_039.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_040.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_041.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_042.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_043.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_044.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_045.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_046.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_047.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_048.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_049.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_050.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_051.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_052.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_053.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_054.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_055.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_056.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_057.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_058.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_059.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_060.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_061.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_062.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_063.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_064.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_065.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_066.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_067.html
Tiernan,Cate-[Wicca-1]L'eveil(2001).French.ebook.AlexandriZ_split_068.html